Les gens de la Croix Rousse
"Cette indécise allure convient à l'heure nocturne et au quartier, où il est habituel de marcher en louvoyant, ou, comme disent encore les marins, de tirer des bordées"
André Pieyre de Mandiarques
"Cette indécise allure convient à l'heure nocturne et au quartier, où il est habituel de marcher en louvoyant, ou, comme disent encore les marins, de tirer des bordées"
André Pieyre de Mandiarques
L'être humain est, au fond, un animal sauvage et effroyable. Nous le connaissons seulement dompté et apprivoisé par ce que nous appelons la civilisation.
Petit hommage à Nick Brandt qui, par les portraits qu'il réalise des animaux sauvages, nous offre les denriers instants d'espèces en voie de disparition.
ici aucune crainte: ces animaux vont bien et ne risquent pas même un rhume. C'est fascinant de pouvoir s'approcher si près d'eux, l'on peut ainsi capter l'étincelle, l'ennervement ou même l'ennui qu 'ils ressentent.
Cette série de portraits me donne envie de poursuivre un peu le chemin. mais pour ça il faudrait aller encore plus près, et là...
(Voir album Safari)
Le mystère de l’incarnation se répète en chaque femme ; tout enfant qui naît est un Dieu qui se fait homme.
Simone de Beauvoir
Elle naîtra dans quelques jours mais pour le moment nous sommes là tous les trois tournés vers Elle. Petit être invisible qui sera le point focal de cette série d'images.
La maman est lumineuse, elle porte en elle un soleil qui fait de l'ombre aux flashs du studio!
le papa est un habitué des plateaux et des objectifs et pourtant il est tendu, il veille sur les femmes de sa vie, il essaie de les rassurer mais elles ne sont pas intimidées. tout se déroule dans une ambiance joyeuse.
le lien intime apparaît à travers les sourires, les regards, les postures.
c'est un instant magique que nous vivons là, un moment hors du temps, hors de tout repère. la tendresse emplie la pièce.
séance photo idéale où la technique disparait derrière le plaisir d'être là ensemble!
(album Elle)
Tout objet aimé est le centre d'un paradis
NOVALIS
Il fallait bien que je me lance, que je trouve "un prétexte" pour photographier mes contemporains.
Alors pour les avoir comme sujets je suis passée par l'objet.
Pas n'importe lequel: Le leur.
Celui qui les distingue, qui les symbolise, celui qu'ils personnifient. Quand ils le prennent dans leur mains, l'objet s'anime presque seul tant il est habitué aux mêmes mouvements, aux mêmes postures; c'est tout juste si il n' a pas de nom! Peut-être d'ailleurs que dans le secret de la solitude, cette chose concrète devient autre, qu'elle se meut en un personnage imaginaire compagnon des heures sombres...
Dans le noir de l'atelier, ils se sont assis, couchés et ils ont raconté.
Ils ont parlé de LEUR objet, de sa fonction, de son utilité, de leur rapport à lui. Et à travers l'objet c'est le sujet humain qui m'apparaissait très clairement l'espace d'un flash.
C'est une nudité cachée, une part de leur intime qu'ils m'ont livré.
Merci à mes trois sujets de l'objet.
(Voir album L'Objet)
Le passé et le présent sont deux statues incomplètes: l'une a été retirée toute mutilée du débris des âges; l'autre n'a pas encore reçu sa perfection de l'avenir.
Chateaubriand
Afin de réaliser l'affiche d'un spectacle de théâtre à venir, j'ai dû photographier cette statue de femme enceinte.
le sujet m'effraie un peu et ce ventre rond me paraît bien difficile à aborder. Enfin j'attaque la séance photo.
Le thème du spectacle est la violence faîte aux femmes. je prends donc le contrepoids et décide d'aller dans la douceur, la sensualité.
Quelques images sortent de cette prise de vue. La statue a été sage et docile. Finalement photogénique la demoiselle!
(Album Mademoiselle)
La vieillesse arrive brusquement, comme la neige. Un matin au réveil, on s'aperçoit que tout est blanc.
Jules Renard
Un dimanche après midi blanc.
je pars me promener dans les champs, il n' y a évidemment pas âme qui vive. Et puis après une heure de balade il apparaît devant moi, d'abord comme une tâche noire qui se distingue sur l'étendue blanche. Puis cette ombre devient forme, forme masculine. le petit chien tourne autour de l'homme qui marche si lentement.
je le rattrape vite. Il n' a pas entendu mes pas feutrés par la neige, il sursaute. Dans ce paysage noir et blanc il ouvre de grands yeux... bleus, deux billes perçantes. Son corps parlait des nombreuses années vécues, ses yeux lui donnent 5 ans, 20 ans, il n' a plus d'âge.
Il est une couleur sur mon chemin.
"Il n'y a pas d'héroïsme sans cicatrices."
Moses Isegawa
Elle entre avec ses bottes rouges dans le studio, elle respire la fraîcheur, "l'impertinence de la jeunesse" comme on dit. Les regards se tournent tous vers elle. Parce qu'elle est belle, presque lisse. Elle se dénude bien volontiers, sans qu'on lui demande. Elle nous offre ses formes en nous regardant dans les yeux, impertinente je vous dit.
J'imagine cette séance photo comme une séance en studio de mode. J'organise l'espace, les lumières pour mettre ce beau modèle dans un halo de douceur dorée. J'entre dans l'inimité de cette aire de jeu. je m'approche d'elle et commence à la prendre en photo. Je ne vois encore que l'image de cette jeune beauté, je vais trop vite, toute occupée à faire correspondre mes photos à ce que j'en avais imaginé. Mais alors que j'arrange ses cheveux, j'aperçois son bras meurtri. Des cicatrices très visibles et très significatives marquent sa peau de lait. j'abandonne la vue d'ensemble de son corps, la mise en scène que j'avais prévu et je lui demande la permission de m'attacher à ses marques.
Je modifie la lumière, l'univers n'est plus le même. Nous avons fait le chemin ensemble, du général vers le particulier, de l'impersonnel à l'intime. Elle me fait entrer dans son monde et à travers son corps donne à voir mon âme bien plus certainement qu'un auto portrait.
(Voir album La Ligne intime)
"Notre égoïsme va si loin que nous croyons, en temps d'orage, qu'il ne tonne que pour nous."
Jules RENARD
En haut d'une colline des Monts du lyonnais, je cours dès le premier éclair. Une course contre la foudre s'engage alors. le but du jeu est de capter les éclairs dans la nuit, d'en saisir le maximum sur l'image.
Le tonnerre gronde, le vent souffle, je suis au milieu du champ attentive aux éclats de lumière; j'espère que la foudre ne décidera pas de venir me rendre visite de plus près.
La pluie se met à tomber... j'abdique. on ne peut rien contre les éléments! j'ai voulu les défier, me voilà mouillée!
(Voir album ORAGES)
Quand les Occidentaux parlent des "mystères de l'Orient", il est bien possible qu'ils entendent par là ce calme un peu inquiétant que sécrète l'ombre.
Junichiro Tanizaki
Hôpital de l'Hôtel Dieu, Lyon, premier jour de l'automne.
Dans les couloirs extérieur de cet hôpital centenaire à la puissance architecturale indéniable, je m'arrête. je pose l'appareil et j'essaie de capter l'ambiance de ce lieu où la maladie et la mort sont palpables.
Les hommes et les femmes qui passent devant moi ne regardent rien, ils sont tout entier recroquevillés sur eux mêmes. Certains viennent d'apprendre une mauvaise nouvelle, les larmes ne peuvent pas se retenir. D'autres ont rendu visite à cet être cher emprisonné derrière les hauts murs de la souffrance, ils baissent la tête. D'autres encore sourient, soulagés par le verdict.
Tous ont en commun ce regard loin, cette impossibilité d'être touché par mon regard, ils sont fait fumée. Comme des éctoplasmes, des fantômes, ils projètent leurs ombres sur la pierre de taille.
On les distingue à peine, pourtant leur inquiétante présence emplie l'espace.
(voir album Peaux de chagrin)
«Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants, mais peu d’entre elles s’en souviennent.» Antoine de St Saint-Exupéry
A cet âge de la vie rien ne semble nuire au bonheur, ces enfants croisés "sont" le bonheur.
Dans
ce pays enivrant qu'est le Cambodge, le sourire se grave sur les
visages dès la naissance. Ils m'ont offert ces instants d'éternité qui
ne s'effacent pas de ma mémoire.